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Publié le 27 Jan 2017

Le recours pour excès de pouvoir des tiers contre les actes détachables du contrat n’est pas mort !

Le recours pour excès de pouvoir des tiers contre les actes détachables du contrat n’est pas mort !CE 23 décembre 2016, ASSECO – CFDT et ATTAC Montpellier, n°392815

Deux associations ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler un décret approuvant un contrat de partenariat pour la conception, la construction, l’entretien, la maintenance et le financement d’un pôle d’échange multimodal. Elles demandaient aussi d’enjoindre aux parties de saisir le juge du contrat, afin que soit prononcée l’annulation du contrat, de ses annexes ainsi que de l’accord indemnitaire en découlant ou à défaut de les résilier amiablement.

L’occasion pour le Conseil d’Etat d’affirmer la survivance du REP des tiers contre un acte d’approbation du contrat.

Règle n°1 : L’acte d’approbation du contrat peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir de la part des tiers, indépendamment du recours Département du Tarn et Garonne

On sait qu’avant l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne, n° 358994, seuls les concurrents évincés et le Préfet pouvaient contester la validité d’un contrat, les autres tiers ne disposant que du recours en excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat, la voie du recours direct contre le contrat leur étant fermée. Dans ce cadre, les requérants pouvaient invoquer non seulement les vices affectant l’acte détachable lui-même, mais également l’illégalité du contrat. Par l’important arrêt précité, le Conseil d’Etat avait ouvert à tous les tiers un recours direct de plein contentieux contre les contrats administratifs et fermé la voie du REP contre les actes détachables.

Le REP contre les actes détachables du contrat était-il donc mort avec l’arrêt Département du Tarn et Garonne ? Non, répond le Conseil d’Etat dans son arrêt. Il retient en effet qu’indépendamment du recours de pleine juridiction contre le contrat administratif ouvert par l’arrêt Département du Tarn et Garonne, les tiers sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat.

Toutefois, le Conseil d’Etat encadre cette voie de recours de conditions.

Règle n°2 : Les tiers doivent se prévaloir d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine

Tout d’abord, les tiers ne pourront agir dans ce cadre que s’ils peuvent se prévaloir d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine. En l’espèce, les deux associations ne répondaient pas à cette condition. Le Conseil d’Etat relève en effet que l’ASSECO-CFDT a pour objet d’assurer la défense des intérêts des consommateurs en aidant ses adhérents à faire valoir leurs droits en matière de consommation et d’aider les organisations CFDT de la région Languedoc-Roussillon à mieux préciser les liens entre production et consommation et à intégrer la dimension consommation dans leurs politiques et pratiques syndicales. Le Conseil d’Etat juge que l’exécution du contrat de partenariat approuvé par le décret contesté ne saurait être regardée comme de nature à porter une atteinte directe et certaine aux intérêts des consommateurs ou des organisations que défend la requérante. Il rejette donc la requête de l’association comme irrecevable. Quant à l’association ATTAC Montpellier, elle a pour objet de produire et communiquer de l’information, ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde. Là aussi, le Conseil d’Etat juge la requête de l’association irrecevable en considérant qu’eu égard à la généralité de son objet, elle ne peut être regardée comme se prévalant d’intérêts auxquels l’exécution du contrat de partenariat approuvé par le décret serait de nature à porter une atteinte directe et certaine.

Règle n°3 : Les tiers ne peuvent soulever que des moyens tirés des vices propres de l’acte d’approbation

Ensuite, la deuxième condition posée par le Conseil d’Etat à l’exercice par les tiers d’un recours pour excès de pouvoir contre l’acte d’approbation du contrat est relative aux moyens soulevés. Les tiers ne pourront en effet soulever que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.


Conseil d’État 

N° 392815

7ème – 2ème chambres réunies

Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur
Olivier Henrard, rapporteur public
lecture du vendredi 23 décembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 392815, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 20 août 2015 et 26 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Etudes et consommation CFDT du Languedoc-Roussillon (ASSECO-CFDT du Languedoc-Roussillon) demande au Conseil d’Etat :

  1. d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant au retrait du décret n° 2015-154 du 11 février 2015 approuvant le contrat de partenariat passé entre SNCF Réseau et la SAS Gare de la Mogère pour la conception, la construction, l’entretien, la maintenance et le financement du pôle d’échange multimodal Montpellier Sud de France ;
  2. d’annuler le décret du 11 février 2015 ;
  3. d’enjoindre aux parties de saisir le juge du contrat dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir,afin que soit prononcée l’annulation du contrat, de ses annexes ainsi que de l’accord indemnitaire en découlant ou à défaut de résilier amiablement le contrat, ses annexes ainsi que l’accord indemnitaire en découlant dans le même délai d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;
  4. de mettre à la charge de SNCF Réseau une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 392819, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 août 2015 et 25 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association ATTAC Montpellier demande au Conseil d’Etat :

  1. d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant au retrait du décret n° 2015-154 du 11 février 2015 approuvant le contrat de partenariat passé entre SNCF Réseau et la SAS Gare de la Mogère pour la conception, la construction, l’entretien, la maintenance et le financement du pôle d’échange multimodal Montpellier Sud de France ;
  2. d’annuler le décret du 11 février 2015 ;
  3. d’enjoindre aux parties de saisir le juge du contrat dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, afin que soit prononcée l’annulation du contrat, de ses annexes ainsi que de l’accord indemnitaire en découlant ou à défaut de résilier amiablement le contrat, ses annexes ainsi que l’accord indemnitaire en découlant dans le même délai d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;
  4. de mettre à la charge de SNCF Réseau une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

  • le code général des collectivités territoriales ;
  • le code des marchés publics ;
  • l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ;
  • le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

  • le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,
  • les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 décembre 2016, présentée par les associations ASSECO-CFDT du Languedoc-Roussillon et ATTAC Montpellier.

1.Considérant que les requêtes n°s 392815 et 392819 sont dirigées contre le décret du 11 février 2015 approuvant le contrat de partenariat passé entre SNCF Réseau et la SAS Gare de la Mogère pour la conception, la construction, l’entretien, la maintenance et le financement du pôle d’échange multimodal Montpellier Sud de France ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2.Considérant qu’indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, dans les conditions définies par la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, les tiers qui se prévalent d’intérêts auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l’excès de pouvoir la légalité de l’acte administratif portant approbation du contrat ; qu’ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d’un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même ;

3.Considérant, en premier lieu, que l’ASSECO-CFDT Languedoc-Roussillon a en particulier pour objet, aux termes de ses statuts, d’assurer la défense des intérêts des consommateurs en aidant ses adhérents à faire valoir leurs droits en matière de consommation et ” d’aider les organisations CFDT de la région Languedoc-Roussillon à mieux préciser les liens entre production et consommation et à intégrer la dimension consommation dans leurs politiques et pratiques syndicales ” ; que l’exécution du contrat de partenariat approuvé par le décret que l’association attaque ne saurait être regardée comme de nature à porter une atteinte directe et certaine aux intérêts des consommateurs ou des organisations que défend la requérante ;

4.Considérant, en second lieu, que l’association ATTAC Montpellier a pour objet social ” de produire et communiquer de l’information, ainsi que de promouvoir et mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde ” ; qu’eu égard à la généralité de son objet, l’association requérante ne peut être regardée comme se prévalant d’intérêts auxquels l’exécution du contrat de partenariat approuvé par le décret qu’elle attaque serait de nature à porter une atteinte directe et certaine ;

5.Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de l’ASSECO-CFDT Languedoc-Roussillon et d’ATTAC Montpellier sont irrecevables et doivent être rejetées, y compris leurs conclusions aux fins d’injonction et leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par SNCF Réseau et par la SAS Gare de la Mogère au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

————-

  • Article 1er : Les requêtes n° 392815 et 392819 sont rejetées.
  • Article 2 : Les conclusions présentées par SNCF Réseau et la SAS Gare de la Mogère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
  • Article 3 : La présente décision sera notifiée aux associations Etudes et consommation CFDT du Languedoc-Roussillon et ATTAC Montpellier, à SNCF Réseau, à la SAS Gare de la Mogère, au Premier ministre et à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

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