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Publié le 21 Mar 2017

Obligation de réaliser des études de sols avant la remise des offres

La collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon avait attribué à la société Hélène et Fils un lot d’un marché de travaux à un prix global et forfaitaire, pour la construction de logements. Dès le commencement des travaux, la société a fait part au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage de difficultés liées à la nature du sol. En conséquence, le titulaire du marché a réalisé des travaux supplémentaires pour permettre une bonne assise des fondations et a réclamé le paiement de ces travaux. Cette demande ayant été refusée par le maître d’ouvrage, la société a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon une indemnisation au titre de ces travaux supplémentaires, qui lui a été accordée. La collectivité a interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui annule le jugement. Dans cet arrêt, la Cour retient que sauf stipulation contraire du CCAP, les études de sols doivent être réalisées préalablement à l’offre pour permettre aux candidats de former leur prix en toute connaissance de cause et que des travaux liés à des études de sols réalisées postérieurement à l’offre ne sont pas des travaux supplémentaires.

Règle n°1 : Sauf stipulation contraire du CCAP, les études de sol doivent être réalisées par l’entrepreneur avant son offre

Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 29-11 du CCAG travaux, il appartient à l’entrepreneur d’établir, d’après les pièces contractuelles, les documents nécessaires à la réalisation des ouvrages, tels que les plans d’exécution, notes de calcul, études de détail et de faire sur place tous les relevés nécessaires. Il observe également que le CCAP indiquait que le maître d’œuvre n’était pas chargé de la réalisation des études d’exécution et que l’entrepreneur devait les réaliser. En outre, le CCTP stipulait que le maître d’ouvrage n’avait pas réalisé les études de sols, que l’entreprise pouvait effectuer tous les sondages lui apparaissant nécessaires, les frais étant inclus dans le prix global et forfaitaire et que les sondages étaient à la discrétion des entreprises pour faire leurs offres. La Cour administrative d’appel en conclut que les sondages de sol étaient au nombre des études d’exécution incombant au titulaire du marché et que ces sondages auraient dû être réalisés préalablement à son offre.

Règle n°2 : Des travaux liés aux résultats d’une étude de sol réalisée postérieurement à l’offre n’ont pas le caractère de travaux supplémentaires

La Cour estimant que l’entreprise aurait dû s’assurer de la consistance du sol avant de proposer son prix, qui devait englober le coût des études de sol et des travaux adaptés à la consistance du sol, elle en conclut de manière fort logique que, dans la mesure où le titulaire du marché n’a pas réalisé les études de sol préalablement à son offre, les travaux qualifiés de « supplémentaires » par ce dernier n’ont pas ce caractère. En conséquence, elle juge que c’est à tort que le tribunal administratif de Saint-Pierre et Miquelon a fait droit à la demande d’indemnisation de l’entrepreneur et annule son jugement.

Conseil aux entreprises :

Il est conseillé aux entreprises qui répondent à des marchés de travaux de s’assurer tout d’abord si le CCAP précise ou non si les études d’exécution sont à la charge du maître d’œuvre ou de l’entrepreneur. Si elles sont à la charge de l’entrepreneur, il convient de réaliser les sondages adéquats, notamment les sondages de sols, afin d’intégrer dans le prix tous les coûts des travaux rendus nécessaires par les résultats de ces sondages. Certes, ces sondages resteront à la charge de l’entreprise si elle est éliminée, mais cela lui coûtera moins cher, si elle est retenue, que des travaux non prévus et dont la prise en charge financière sera refusée par le maître d’ouvrage !


CAA BORDEAUX
N° 15BX00263
4ème chambre – formation à 3

Lecture du jeudi 16 février 2017

 REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hélène et Fils a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon de condamner la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à lui verser la somme de 44 842, 20 euros assortie des intérêts moratoires avec capitalisation des intérêts.

Par un jugement n°1300018 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a condamné la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon à verser à la société Hélène et Fils la somme de 44 842,20 euros, assortie des intérêts au taux défini à l’article 3.4.10 du cahier des clauses administratives générales appliqué au marché à compter du 12 août 2006 et de la capitalisation des intérêts à compter du 12 août 2007.

Pocédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2015 et un mémoire enregistré le 6 janvier 2017, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et Miquelon, représentée par MeB…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 14 octobre 2014 ;

2°) de rejeter la demande d’indemnisation de la société Hélène et fils ;

3°) de mettre à la charge de la société Hélène et Fils la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code des marchés publics ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Marianne Pouget,

– les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

– et les observations de MeC…, représentant la société Hélène et Fils ;

Une note en délibéré présentée par la société Hélène et Fils a été enregistrée le 23 janvier 2017.

Considérant ce qui suit :

  1. En vue de la passation d’un marché alloti portant sur la construction de six logements pour jeunes, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a engagé une procédure de consultation au terme de laquelle le lot n°1 ” Terrassements -Voieries Réseaux Divers (VRD) – Gros oeuvre béton ” comportant deux sous-lots (lot n° 1A : Terrassement-VRD et lot n° 1B : gros oeuvre béton) a été attribué à la société Hélène et Fils pour un montant de 94 190,83 euros TTC. La maîtrise d’oeuvre était assurée par Ingénierie des îles S.P.M. A…collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon relève appel du jugement du 14 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon l’a condamnée à verser à la société Hélène et Fils la somme de 44 802,20 euros au titre des travaux supplémentaires réalisés par cette dernière, assortie des intérêts moratoires à compter du 12 août 2006 et de leur capitalisation à compter du 12 août 2007.

Sur le fond :

  1. Dans le cadre d’un marché à prix global et forfaitaire, l’entreprise titulaire du marché n’est fondée à réclamer un supplément de prix au maître d’ouvrage que pour autant qu’elle justifie qu’elle a effectué, sur ordre de service, des travaux non prévus au marché, ou que ces travaux présentent un caractère indispensable à la réalisation de l’ouvrage selon les règles de l’art et ce quel qu’en soit le montant, alors même que ces travaux supplémentaires n’auraient pas bouleversé l’économie du contrat et n’auraient pas été imprévisibles.
  1. Il résulte de l’instruction qu’à la suite de difficultés d’exécution du contrat provenant de la nature du sol dont la société Hélène et Fils a fait part au maître d’oeuvre et au maître d’ouvrage dès le commencement des travaux de terrassement, cette dernière a exécuté des travaux supplémentaires en suivant les prescriptions de son bureau d’études, la société ESTB, pour permettre une bonne assise des fondations. Il n’est pas contesté par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon que ces travaux, qui ont consisté en la réalisation de terrassements complémentaires jusqu’au ” bon sol ” puis de trois barrettes de fondation en gros béton sur lesquelles ont été positionnées des longrines, présentaient un caractère indispensable à la bonne exécution de l’ouvrage dans les règles de l’art. Mais la collectivité territoriale soutient que la société n’a pas correctement estimé son offre en fonction de la nature du sol.
  1. La société Hélène et fils soutient quant à elle que ces travaux sont imputables à une faute commise par la maîtrise d’oeuvre dans la conception même du projet, le procédé de construction retenu s’étant avéré incompatible avec la nature du sol composé de remblais non homogènes.
  1. Toutefois, il ressort des pièces du marché conclu par la société requérante avec la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon, et notamment de l’article 29-11 du cahier des clauses administratives générales Travaux alors applicable, qu’il appartenait à l’entrepreneur, sauf stipulation contraire du cahier des clauses administratives particulières, d’établir d’après les pièces contractuelles les documents nécessaires à la réalisation des ouvrages, tels que les plans d’exécution, notes de calculs, études de détail et de faire sur place tous les relevés nécessaires. L’article 8.3 du cahier des clauses administratives particulières applicable aux lots 1A et 1B précisait : ” Le maître d’oeuvre n’est pas chargé de la réalisation des études d’exécution des ouvrages. L’entrepreneur est chargé de l’établissement des études d’exécution des ouvrages. L’article VI.7 ” Sondages ” du CCTP applicable au lot n° 1A stipulait expressément : ” Le maître d’ouvrage n’a pas effectué de sondages de sols sur le site. L’entreprise pourra effectuer tous les sondages lui semblant nécessaires pour déterminer la consistance des fondations de voirie et le taux du travail du sol. Les frais de sondages et d’établissement du rapport par un géotechnicien agrée, au choix de l’entreprise, sont à sa charge, étant entendu que les travaux sont à traiter à un prix global et forfaitaire “. L’article VI ” Sondages ” du CCTP applicable au lot n° 1B laissait les sondages à la discrétion des entreprises pour faire leurs offres.
  1. Ainsi, il ressort clairement de ces stipulations que les sondages étaient au nombre des études d’exécution incombant au titulaire du marché en vue de la réalisation des ouvrages.

  1. Il résulte de ce qui précède qu’il appartenait à l’entrepreneur d’apprécier la nature exacte du sol en réalisant une étude préalable à son offre et de vérifier à ses frais l’homogénéité et la solidité du terrain avec la précision requise d’un professionnel avisé en vue de la réalisation des travaux dans les règles de l’art. Dans ces conditions, les travaux réalisés par la société Hélène et fils, qui a négligé lors de la détermination de son offre de procéder à une étude de sol indispensable pour apprécier la consistance et le prix de son offre et dont elle avait la charge, ne peuvent pas être regardés comme des travaux supplémentaires ouvrant droit à un paiement.
  1. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la prescription opposée par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, que celle-ci est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a fait droit à la demande de la société Hélène et fils.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

  1. Ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Hélène et fils au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros à verser à collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon en application de ces dispositions.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du de Saint-Pierre-et-Miquelon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Hélène et fils devant le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon et les conclusions de la société au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Hélène et fils versera à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


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