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Publié le 15 Nov 2016

Notation du critère prix : Pas de prise en compte de la situation particulière des candidats au regard de la TVA

CAA Bordeaux, 15 novembre 2016, Bordeaux Métropole, n°15BX00253

La Communauté urbaine de Bordeaux, à laquelle a succédé Bordeaux Métropole, avait lancé deux marchés subséquents de formation, suite à un accord-cadre multi-attributaire. L’une des sociétés évincées de l’un des marchés subséquents a saisi le Tribunal administratif d’une demande tendant à l’annulation du marché et à l’indemnisation de son préjudice, qui a été accueillie par le juge de première instance. La Cour administrative d’appel annule ce jugement, en précisant que la méthode de notation du critère prix ne peut être appréciée en fonction de la situation fiscale particulière des candidats au regard de la TVA.

Règle n°1 : La méthode de notation des prix ne peut dépendre de la situation fiscale des candidats au regard de la TVA

En l’espèce, la lettre de consultation prévoyait que les prix s’entendaient hors taxes et seraient augmentés de tous droit, impôts et taxes en vigueur à la date de leur exigibilité. Pour noter le critère prix, la Communauté urbaine de Bordeaux avait donc comparé les prix hors taxes proposés par les candidats, sans distinguer entre ceux qui étaient soumis à la TVA et ceux qui ne l’étaient pas. C’est ce point que la société requérante contestait : étant exonérée de TVA, elle estimait que cet avantage aurait dû être pris en compte par le pouvoir adjudicateur. Son raisonnement a été suivi par le Tribunal administratif, qui a jugé que la Communauté urbaine de Bordeaux avait commis une erreur de droit. Ce jugement est annulé par la Cour administrative d’appel sur le fondement des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Rappelant qu’une méthode de notation est entachée d’irrégularité si, en méconnaissance de ces principes, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et à conduire ainsi à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, la Cour retient que « la régularité d’une méthode de notation de prix de prestations s’apprécie sans considération de la situation particulière de chacune des entreprises candidates et ne saurait donc dépendre, notamment, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ». Le pouvoir adjudicateur ne pouvait donc comparer les prix proposés en y ajoutant la TVA éventuellement due sur les prestations des entreprises soumises à cette taxe. En conséquence, la Cour administrative d’appel estime que la Communauté urbaine de Bordeaux n’avait pas commis d’erreur de droit et annule le jugement.

Règle n°2 : Une demande d’injonction de rembourser des sommes versées en application d’un jugement annulé est sans objet

La procédure de passation du marché subséquent n’étant pas entachée de l’unique irrégularité soulevée par la société requérante, la Cour estime que celle-ci n’est fondée ni à demander l’annulation du marché, ni à être indemnisée des préjudices invoqués. En conséquence, c’est à tort que la Communauté urbaine de Bordeaux a été condamnée à verser une somme de 25.000 € à la société requérante en réparation de son manque à gagner. La collectivité demandait à la Cour d’enjoindre celle-ci de rembourser la somme versée. Toutefois, rappelant que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires et permettent donc d’obtenir, au besoin d’office, le remboursement de sommes déjà versées, la Cour administrative d’appel juge que cette demande est sans objet.

CAA de BORDEAUX
N° 15BX00253  
Inédit au recueil Lebon

2ème chambre (formation à 3)

Mme JAYAT, président
M. Philippe DELVOLVÉ, rapporteur
M. KATZ, rapporteur public
CABINET CABANES, avocat

Lecture du mardi 15 novembre 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ECF-CESR-FP a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler le contrat passé le 8 février 2011 entre la communauté urbaine de Bordeaux et la société Fauvel Formation pour la formation obligatoire des conducteurs de poids-lourds de marchandises et de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à lui verser la somme de 40 000 euros au titre de son manque à gagner.

Par un jugement n°1101649 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la communauté urbaine de Bordeaux à verser la société ECF-CESR-FP une somme de 25 000 euros en réparation de son manque à gagner, cette somme étant assortie des intérêts capitalisés au taux légal à compter du 18 avril 2011 et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2015, complétée par des mémoires complémentaires enregistrés les 21 janvier et 28 septembre 2016, Bordeaux Métropole, qui vient aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux, représentée par MeA…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler le jugement du 19 novembre 2014 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu’il accorde une indemnité de 25 000 euros à la société ECF-CESR-FP, outre intérêts moratoires ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société ECF-CESR-FP ;

3°) d’ordonner à la société de rembourser la somme de 26 478,49 euros, outre intérêts moratoires à compter de la date de paiement jusqu’à la date de la restitution du principal ;

3°) de mettre à la charge de la société ECF-CESR-FP la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des impôts ;
– le code des marchés publics ;
– le décret n° 2014-1599 du 23 décembre 2014 portant création de la métropole dénommée ” Bordeaux Métropole ” ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Philippe Delvolvé ;
– les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
– et les observations de MeC…, représentant Bordeaux Métropole, et de Me B…, représentant la société ECF-CESR-FP.

Considérant ce qui suit :

1. Suite à un accord-cadre élaboré par la communauté urbaine de Bordeaux, cette dernière a lancé une procédure de passation de deux marchés à bons de commande de formation initiale minimale obligatoire et de formation continue obligatoire des conducteurs de poids-lourds affectés au transport de marchandises, le 22 décembre 2010. Ces deux marchés avaient une durée d’exécution expirant le 31 décembre 2011. Si la société ECF-CESR-FP a été sélectionnée pour le premier marché référencé M101142U, elle a été informée le 21 février 2011 qu’elle n’avait pas été retenue pour le second marché référencé M101143U, qui a été passé avec la société Fauvel, classée première à l’issue de l’analyse des offres. Elle a sollicité auprès du tribunal administratif de Bordeaux l’annulation du marché passé entre la communauté urbaine de Bordeaux et la société Fauvel le 8 février 2011, et la condamnation de la collectivité à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de son éviction de la procédure de passation du marché n° MU101143U. Bordeaux Métropole, qui vient aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux, relève appel du jugement en date du 19 novembre 2014 en tant qu’il l’a condamnée à payer à la société ECF-CESR-FP la somme de 25 000 euros assortie des intérêts au taux légal.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article 1 du code des marchés publics : ” (…) II.- Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en œuvre conformément aux règles fixées par le présent code (…). ” Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Une méthode de notation est entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. La régularité d’une méthode de notation de prix de prestations s’apprécie sans considération de la situation particulière de chacune des entreprises candidates et ne saurait donc dépendre, notamment, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Eu égard à ce principe, une collectivité ne saurait comparer les prix proposés par chacune des entreprises en ajoutant aux prix proposés hors taxe, conformément aux règles définies par elle, par les candidats non exonérés de taxe à la date de la comparaison, la TVA qui sera éventuellement due par la collectivité sur les prestations.

3. En l’espèce, l’article 5 du cahier des charges prévoit que les critères de sélection des offres étaient au nombre de deux, le prix, pondéré à 40 %, et le délai d’exécution, pondéré à 60 %. L’article 8-1 de la lettre de commande de la communauté urbaine de Bordeaux dispose que : ” le prix présenté par le titulaire est unitaire, ferme et définitif, exprimé en euros hors taxe. (…) Les prix prévus à la présente lettre de commande s’entendent hors taxes. Ils seront augmentés de tous les droits, impôts et taxes légalement applicables et en vigueur le jour de leur exigibilité. ” Il résulte de ces dispositions que le prix proposé devait être exprimé hors taxe par l’ensemble des candidats, sans distinction entre ceux qui étaient exonérés de TVA et les autres. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la méthode de comparaison des offres ayant consisté à comparer les prix tels qu’ils étaient exprimés par les candidats permettait de respecter le principe d’égalité entre les candidats, sans considération de leur situation fiscale particulière. Contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, la communauté urbaine de Bordeaux n’a commis aucune erreur de droit en retenant une telle règle de notation des prix et n’a donc pas entaché la procédure de passation du marché en litige d’irrégularité. Il appartient à la cour, par la voie de l’effet dévolutif, de statuer sur l’ensemble des prétentions de la société ECF-CESR-FP présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux.

4. Saisi par un tiers de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l’auteur du recours se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu’il critique sont de celles qu’il peut utilement invoquer, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.

5. La procédure de passation du marché en litige n’étant pas entachée de la seule irrégularité invoquée par la société ECF-CESR-FP, cette dernière n’est fondée ni à demander l’annulation du marché en litige, ni à être indemnisée des préjudices qu’elle invoque.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Bordeaux Métropole, qui vient aux droits de la communauté urbaine de Bordeaux, est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l’a condamnée à verser à la société ECF-CESR-FP une somme de 25 000 euros en réparation de son manque à gagner.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

7. Bordeaux Métropole demande à ce qu’il soit enjoint à la société ECF-CESR-FP de rembourser la somme de 26 478,49 euros, assortie des intérêts moratoires à compter de la date de paiement jusqu’à la date de la restitution du principal. Il résulte cependant des dispositions de l’article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d’appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l’expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l’article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d’obtenir, au besoin d’office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, les conclusions de Bordeaux Métropole tendant à ce qu’il soit enjoint à la société ECF-CESR-FP de lui rembourser la somme versée en exécution du jugement attaqué sont sans objet. Elles ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société ECF-CESF-FP et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la société ECF-CESF-FP une somme au titre des frais exposés par Bordeaux Métropole au même titre.

DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1101649 du 19 novembre 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société ECF-CESR-FP devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.


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