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Publié le 18 Jan 2019

Montages contractuels : on ne déroge pas à la compétence du juge administratif !

TC 10 décembre 2018, Société d’aménagement d’Isola 2000 c/ Syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000, n°4143

Le Tribunal des conflits rappelle la règle selon laquelle les parties à un contrat ne peuvent pas déroger aux règles d’ordre public relatives à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Règle n°1 :     Les clauses d’un contrat ne peuvent pas déroger à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Dans son arrêt du 10 décembre 2018, Société d’aménagement d’Isola 2000 c/ Syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000, n°4143, le Tribunal des Conflits rappelle que les parties à un contrat administratif ne peuvent pas choisir l’ordre de juridiction compétent pour trancher leur litige, quand bien même elles auraient entendu convenir d’une attribution de compétence au profit du juge judiciaire.

En d’autres termes, les clauses attributives de compétence qui figurent dans les cahiers des charges ne peuvent pas faire échec à l’application des règles d’ordre public relatives à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Si le contrat est administratif, les parties ne peuvent donc pas insérer une clause attribuant le règlement des litiges au juge judiciaire. Et vice versa, si le contrat est de droit privé.

Le considérant n°5 de l’arrêt résume la règle dégagée par le Tribunal des conflit « Considérant que la convention qui liait la SAI et le syndicat mixte et qui a été résiliée par ce dernier était un contrat administratif ; que le litige porte sur les conditions dans lesquelles la SAI doit, en application de l’article 20 du contrat, être indemnisée ; qu’alors même que les parties auraient entendu, par les stipulations mentionnées ci-dessus, convenir d’une attribution de compétence au profit du juge judiciaire et dès lors, par ailleurs, que, contrairement à ce que soutiennent les parties, il ne résulte d’aucune disposition législative que la compétence devrait être attribuée à la juridiction judiciaire, le juge administratif est seul compétent pour connaître d’un tel litige, y compris pour fixer le montant de la plus value à prendre en compte au titre des terrains restitués sur lesquels des travaux ont été réalisés »

A noter, que le Tribunal des Conflits, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation avaient déjà eu l’occasion de rappeler cette règle (TC 22 octobre 2007 M. Chaume c/ société financière Midi- Pyrénées n°3624; TC 2 mars 2009 société Aubrun-Tartarin c/ office national interprofessionnel des grandes cultures n°3656 ; CE 18 mars 2005 M. Gombert n° 265143 ; Cass. 1ere  Civ., 22 janvier 1991, pourvoi n° 89-14.757, Bull. 1991, I, n° 32).

La solution dégagée vaut pour tous les contrats publics et privés qu’ils soient soumis ou non aux règles de la commande publique et qu’ils soient passés par des acheteurs publics ou privés.

Règle n°2 : les clauses d’un contrat peuvent en revanche déroger à la compétence territoriale d’une juridiction

L’article R. 312-11 du code de justice administrative retient le lieu d’exécution pour déterminer le ressort du tribunal administratif compétent en matière de marchés, contrats, quasi-contrats ou concessions en précisant que si leur exécution s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif ou si le lieu de cette exécution n’est pas désigné dans le contrat, le tribunal compétent est celui di lieu de signature (V.en ce sens CE 26 juin 2015 Ministre de la Défense, n°389599).

Toutefois, si l’intérêt public ne s’y oppose pas, les parties peuvent, soit dans le contrat primitif, soit dans un avenant antérieur à la naissance du litige, convenir que leurs différends seront soumis à un tribunal administratif autre que celui qui serait compétent en vertu des dispositions de l’article R. 312-11 du code de justice administrative. Les parties peuvent donc désigner dès l’origine ou en cours d’exécution du contrat le tribunal administratif qui sera compétent pour trancher leurs éventuels différends, celui-ci pouvant être différent de celui qui serait normalement compétent par application soit du critère du lieu de l’exécution du contrat, soit du critère dérogatoire du lieu de signature (CAA Bordeaux 6 janvier 2009, Sté SOGREAH, n°07BX00877).

Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré que l’intérêt public d’une bonne administration de la justice s’opposait à déroger à la compétence territoriale du tribunal du lieu d’exécution dès lors qu’elle ferait obstacle à ce que la même juridiction puisse consacrer la responsabilité de l’ensemble des constructeurs et à ce que leur condamnation solidaire puisse éventuellement être prononcée. De ce fait, il est valablement permis de s’interroger sur la validité d’une clause attributive de compétence dérogatoire pour tous les marchés publics de travaux.

La clause attributive de compétence territoriale ne s’applique, en vertu de l’effet relatif des contrats, qu’aux parties signataires de sorte que les dispositions de l’article R. 312-11 du code de justice administrative ne s’applique pas au recours pour excès de pouvoir formé contre les actes détachables du contrat ou encore les clauses réglementaires d’un contrat de concession (CE 10 décembre 1997, Musacdier, n°470292).


TC 10 décembre 2018, Société d’aménagement d’Isola 2000 c/ Syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000, n°4143

Considérant que, le 2 juillet 1992, une convention d’aménagement a été conclue pour l’aménagement de la station d’Isola 2000 entre le syndicat mixte pour l’aménagement et l’exploitation de la station d’Isola 2000 et la société anonyme pour l’aménagement de la station Isola 2000 (SAPSI), à laquelle a succédé la société d’aménagement d’Isola 2000 (SAI) ; que cette convention comportait un article 20 qui prévoyait qu’en cas de résiliation à la demande du syndicat mixte, le syndicat pourrait demander à son cocontractant de restituer les terrains que la commune d’Isola avait cédés à la SAPSI quand elle avait conclu avec elle une première convention d’aménagement et dont la SAI serait encore propriétaire, en contrepartie d’une indemnité qui, pour les terrains sur lesquels des travaux auraient été réalisés, prendrait en compte une plus-value dont le montant serait estimé par le service des domaines et, « à défaut d’accord amiable sur cette base », serait fixé « comme en matière d’expropriation, la juridiction compétente étant saisie par la partie la plus diligente » ;

Considérant que la convention d’aménagement a été résiliée par le syndicat mixte le 6 mars 2001 ; qu’un litige étant né entre le syndicat mixte et la SAI à la suite de cette résiliation et le tribunal administratif de Nice ayant, par un jugement du 9 mars 2012, enjoint à la société de restituer les terrains que réclamait le syndicat mixte, la cour administrative d’appel de Marseille, saisie d’un appel contre ce jugement, a notamment enjoint au syndicat mixte, par un arrêt du 7 juillet 2014 devenu définitif sur ce point, de saisir le service des domaines pour l’évaluation de la plus-value à prendre en compte pour calculer l’indemnisation due à la société au titre de terrains sur lesquels des travaux avaient été réalisés ; qu’elle a en outre précisé que, à défaut d’accord sur l’évaluation proposée par le service des domaines, « la partie la plus diligente doit saisir le juge de l’expropriation » ; que le service des domaines, saisi par le syndicat mixte, n’ayant pas répondu, la SAI a demandé au juge de l’expropriation des Alpes- Maritimes de fixer la plus-value litigieuse ; que, par un jugement du 22 juin 2017, ce juge s’est déclaré incompétent ; que, par un arrêt du 5 juillet 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, estimant à son tour que le juge de l’expropriation était incompétent, a renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la question de compétence ;

Considérant que la convention qui liait la SAI et le syndicat mixte et qui a été résiliée par ce dernier était un contrat administratif ; que le litige porte sur les conditions dans lesquelles la SAI doit, en application de l’article 20 du contrat, être indemnisée ; qu’alors même que les parties auraient entendu, par les stipulations mentionnées ci-dessus, convenir d’une attribution de compétence au profit du juge judiciaire et dès lors, par ailleurs, que, contrairement à ce que soutiennent les parties, il ne résulte d’aucune disposition législative que la compétence devrait être attribuée à la juridiction judiciaire, le juge administratif est seul compétent pour connaître d’un tel litige, y compris pour fixer le montant de la plus value à prendre en compte au titre des terrains restitués sur lesquels des travaux ont été réalisés ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige


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