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Les revendications indemnitaires des candidats évincés

A quoi sert le recours indemnitaire ?

Le concurrent qui considère qu’il a été irrégulièrement évincé d’une procédure de passation d’un marché public peut demander la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi.

Qui peut saisir le juge administratif ?

Seules les entreprises qui ont participé à la procédure litigieuse, c’est-à-dire qui ont fait acte de candidature et/ou ont déposé une offre, ont le droit d’introduire un recours indemnitaire.

Quand peut-on saisir le juge administratif ?

Attention : Si le requérant demande à la fois la nullité du contrat conclu avec l’entreprise concurrente et l’indemnisation du préjudice subi, son recours s’assimile à un recours en contestation de la validité du contrat (voir fiche n°72).

En revanche, si le requérant se contente de réclamer l’indemnisation du préjudice subi, son recours s’assimile en un véritable recours indemnitaire.

Dans ce cas, le requérant n’a pas l’obligation d’introduire son recours dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriée (voir fiche n°72) mais peut introduire son recours pendant quatre ans à compter du 1er janvier suivant l’année à laquelle le préjudice a été subi.

C’est ce que l’on appelle la prescription quadriennale. Il s’agit de la règle selon laquelle la créance sur une personne publique, quelle que soit la nature, s’éteint au bout de quatre ans. Le point de départ de la forclusion est, depuis le 1er janvier 1969, fixé au 1er janvier de l’exercice qui suit celui au cours duquel est née la créance. Ainsi, la prescription quadriennale comporte un délai qui peut varier entre 4 ans et un jour et 5 ans moins un jour (Conseil d’Etat, 11 janvier 1978, AUDIN, Recueil Conseil d’Etat page 8).

Article 1er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 :
“sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public.”
Exemple : L’entreprise souhaite réclamer le préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière dont elle a appris la connaissance par courrier AR en date du 10 juin 2009. Elle dispose donc jusqu’au 10 juin 2014 pour saisir le juge administratif d’un recours indemnitaire.

Comment peut-on saisir le juge administratif?

L’entreprise requérante ne peut pas directement saisir le juge administratif d’une requête indemnitaire.

Il doit au préalable mettre en demeure le pouvoir adjudicateur de lui verser la somme correspondant au préjudice subi par l’intermédiaire d’une « demande préalable indemnitaire ».

Cette demande préalable doit être adressée au pouvoir adjudicateur par courrier AR avant la saisine du juge. Si l’entreprise a omis d’adresser cette demande et a saisi le juge administratif, elle doit régulariser immédiatement son recours avant que le pouvoir adjudicateur ne soulève l’irrecevabilité devant le juge.

Quels moyens invoquer devant le juge administratif ?

Le juge administratif indemnise une entreprise de son manque à gagner en fonction de l’évaluation des chances du candidat à l’obtention du marché :

  1. le candidat était dépourvu de toute chance de succès et donc n’a subi aucun préjudice ;
  2. le candidat n’était pas dépourvu de chance de remporter le marché sans avoir toutefois des chances sérieuses : dans cette hypothèse, il n’a droit qu’au remboursement des frais exposés pour présenter son offre (CE, 3 juillet 1968, Lavigne, rec. p.1000) ;
  3. le candidat avait des chances sérieuses d’être retenu et dans ce cas, il a droit à être indemnisé du manque à gagner qui inclut nécessairement les frais de présentation de l’offre (CE, 13 mai 1970, Monti c/ Cne de Ranspach, rec. p.22).

CE 27 janvier 2006, Commune d’Amiens, Req.n°259374

«Considérant que lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l’entreprise avait des chances sérieuses d’emporter le marché, elle a droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner qu’elle a subi ; que, par suite, après avoir rappelé que l’entreprise Delattre avait été privée par la COMMUNE D’AMIENS d’une chance sérieuse d’emporter le marché relatif à la construction d’antennes de collecteurs d’eaux usées et d’eaux pluviales, la réalisation de branchements particuliers ainsi que l’entretien du réseau existant dans cette commune, la cour administrative d’appel de Douai a pu, en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que la réparation du préjudice subi par l’entreprise Delattre incombait à la COMMUNE D’AMIENS»

CE 18 juin 2003, Groupement d’entreprises solidaires ETPO Guadeloupe, T.p.865

Le Conseil d’Etat considère qu’une entreprise doit se voir reconnaître une chance sérieuse d’emporter le marché dans l’hypothèse où les pièces du marché démontrent que le marché aurait du lui être attribué :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que le GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP a été désigné comme attributaire du marché de travaux pour l’extension de la station d’épuration du Blachon dans la commune du Lamentin, lors de la réunion de la commission d’appel d’offres du 9 mars 2001 ; que si une commune peut, pour un motif d’intérêt général, renoncer à un marché déjà attribué, elle ne peut, sans commettre une illégalité, demander à la commission de procéder à un nouvel examen des offres ; que dès lors la décision par laquelle la commission d’appel d’offres est revenue sur sa première décision dans une réunion du 6 juin 2001 et a décidé de confier les travaux au groupement SOGEA-DODIN est entachée d’illégalité ; que dans ces conditions il n’est pas sérieusement contestable que le groupement requérant, qui avait une chance sérieuse de conserver le marché, a droit à être indemnisé de la perte des bénéfices qu’il escomptait ; que par suite l’obligation de la commune du Lamentin à l’égard du GROUPEMENT D’ENTREPRISES SOLIDAIRES ETPO GUADELOUPE, SOCIETE BIWATER, SOCIETE AQUA TP doit être regardée comme n’étant pas sérieusement contestable pour une somme de 47 000 euros, correspondant à la marge bénéficiaire de ce type d’entreprises pour des travaux de cette nature »

Comment gérer la procédure ?

Le juge administratif accordera une indemnité en fonction des éléments qui ressortent des pièces du marché et de l’argumentation développée.

Pour ce type de recours, il est donc recommandé au requérant de réclamer au préalable la communication des pièces du marché et notamment le rapport d’analyse des offres.

En effet, c’est sur la base des informations contenus dans ce document que l’entreprise pourra démontrer au juge administratif qu’elle avait des chances sérieuses d’obtenir le marché au lieu et place de l’entreprise attributaire.

Cette procédure peut également être engagée par l’entreprise déclarée attributaire mais dont le contrat est ensuite annulé sur recours d’un candidat évincé.

En effet, dans ce cas, le préjudice est très facile à démontrer. Si le pouvoir adjudicateur n’avait pas commis d’irrégularité, l’entreprise pourrait poursuivre l’exécution du contrat. Elle est donc en droit de réclamer le manque à gagner.

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