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Publié le 05 Juin 2017

La « clause Molière » imposant l’usage du français dans les contrats publics est illégale

Instruction interministérielle du 27 avril 2017 relative aux délibérations et actes des collectivités territoriales imposant l’usage du français dans les conditions d’exécution des marchés

De nombreux acheteurs publics imposent dans leurs marchés public une clause dite « Molière », exigeant que les personnels affectés à l’exécution d’un marché public parlent le français. Cette pratique est présentée comme un moyen de lutter contre le « dumping social » en visant à empêcher les entreprises à recourir aux travailleurs détachés. Critiquée, elle vient d’être condamnée par une instruction interministérielle destinée aux préfets dans le cadre de l’exercice de leur contrôle de légalité des délibérations et actes des collectivités territoriales.

Règle n°1 : L’interdiction du recours à des travailleurs détachés est illégale

L’instruction interministérielle affirme clairement qu’une clause d’interdiction du recours à des travailleurs détachés dans un marché public est contraire à la directive n°96/71 du 16 décembre 1996, ainsi qu’au principe de libre prestation des services posé par le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

En conséquence, l’instruction indique aux préfets que « sera interdite toute mesure constituant une discrimination indirecte, entendue comme une mesure apparemment neutre mais susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour les entreprises étrangères alors même qu’elle n’est pas justifiée par un objectif légitime et qu’elle ne consiste pas en un des moyens appropriés et nécessaire pour réaliser cet objectif ».

Règle n°2 : la règlementation nationale sur la lutte contre le travail illégal est suffisante

Il est également rappelé que le droit français comporte des mesures destinées à lutter contre le travail illégal, notamment celui des travailleurs détachés. Ainsi, non seulement les entreprises ont des obligations particulières lorsqu’elles emploient des travailleurs détachés, mais les maîtres d’ouvrage ont aussi des obligations de contrôle.

Le maître d’ouvrage doit s’assurer du respect par son cocontractant de son obligation de déclaration préalable du détachement et de désignation d’un représentant en France. Il doit également effectuer la déclaration de l’accident du travail dont est victime un salarié détaché par un prestataire cocontractant direct du maître d’ouvrage. Il doit enjoindre sans délai à son cocontractant direct ou au sous-traitant de celui-ci de régulariser les manquements liés au non paiement des rémunérations des salariés détachés par eux dont il a été informé par un agent de contrôle.

L’instruction estime que ce dispositif rend inutile l’utilisation de clauses spécifiques dans les marchés publics pour maîtriser le recours au travail détaché.

Règle n°3 : L’acheteur ne peut demander une déclaration sur l’honneur de non recours au travail détaché

L’instruction rappelle également que la liste des documents pouvant être demandés au stade des candidatures est limitativement fixée par l’arrêté du 25 mars 2016. Or, une déclaration sur l’honneur de non recours au travail détaché n’y figure pas.

En conséquence, il ne peut être exigé des candidats à un marché public la remise d’une telle déclaration. Par ailleurs, l’instruction estime qu’une telle déclaration « n’apparaît pas juridiquement utile dès lors que cela ne permet en aucun cas d’exonérer l’acheteur de sa responsabilité en matière de vigilance contre les fraudes au travail détaché ».

Règle n°4 : L’obligation de parler français est contraire au principe d’égal accès à la commande publique

Concernant l’obligation de recourir à des travailleurs parlant le français pour l’exécution d’un marché public ou d’une concession, l’instruction affirme clairement qu’il s’agit d’une discrimination non justifiée et d’une atteinte au principe d’égal accès à la commande publique.

Une telle obligation pourrait par ailleurs constituer un détournement de pouvoir si son but est en réalité d’accorder la priorité aux entreprises locales ou d’exclure des travailleurs étrangers et non la bonne exécution du contrat. Toutefois, l’instruction ouvre une exception : celle ou l’obligation de parler français est en lien avec l’objet du marché et est nécessaire à l’exécution du marché.


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