Tél : 01 42 22 09 18
Fax : 01 42 22 10 03
Publié le 10 Nov 2018

Calcul des préjudices subis pour les marchés à bons de commande avec et sans minimum

CE 10 octobre 2018, Sté du Docteur Jacques Franc, req.n°410501

 Si le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d’établir la réalité ce préjudice. Cet arrêt donne l’occasion de déterminer les modalités d’indemnisation des préjudices subis dans le cas d’un marché à bons de commande qu’ils comportent un minimum en valeur ou en quantité ou pas.

Enseignement n°1 : comment déterminer les préjudices subis dans les marchés à bons de commande ?

Dans un arrêt en date du 10 octobre 2018, Sté du Docteur Jacques Franc, le Conseil d’Etat vient de considère que dans l’hypothèse d’un marché à bons de commande irrégulièrement résilié qui comporte un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner revêt un caractère certain en ce qui concerne ce minimum garanti.

Le Conseil d’Etat prend néanmoins le soin de préciser que cette règle ne concerne que l’hypothèse où le titulaire n’est pas en mesure d’établir la réalité de ses préjudices au-delà du minimum.

Si tel est le cas, alors le Conseil d’Etat pose comme règle de principe que le titulaire est en droit d’être indemnisé de l’intégralité des préjudices dont il arrive à établir la réalité « 3. Considérant que si le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d’établir la réalité de ce préjudice ; que dans le cas d’un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en ce qu’il porte sur ce minimum garanti »

Pour le dire autrement :

  • Dans l’hypothèse d’un marché à bons de commande irrégulièrement résilié qui comporte un minimum en valeur ou en quantité : le titulaire est en droit de réclamer « à minima » le manque en gagner calculé sur la base du minimum garanti dès lors que ce minimum permet d’établir la réalité des préjudices.
  • Dans l’hypothèse d’un marché à bons de commande irrégulièrement résilié qui ne comporte pas un minimum en valeur ou en quantité : le titulaire est en droit de réclamer le manque en gagner de tous les préjudices subis dès lors que, comme l’indique le Conseil d’Etat, il est en mesure d’établir la réalité de ses préjudices. Cela afin, que ses préjudices puissent présenter un caractère certain.


Cette règle de droit posée par le Conseil d’Etat s’applique donc à tous les marchés à bon de commandes avec et sans minimum. Elle a également vocation à s’appliquer aux candidats évincés d’une procédure d’attribution d’un contrat public.

Enseignement n°2 : les documents et renseignements utilisés par le juge administratif pour déterminer les préjudices subis

Le Conseil d’Etat considère que pour établir le taux de marge nette, le juge administratif est en droit de se référer aux résultats des quatre exercices précédant la résiliation du marché. Le juge administratif admet également que l’attestation établi par un Commissaire aux Comptes ou par un expert comptable traduisent de manière sérieuse et fiables les éléments de la comptabilité du requérant pour établir la réalité des préjudices subis (CE 31 juillet 2009, Monsieur Xavier A, req.n°290971- CAA Nancy, 28 novembre 2013, office public Metz Habitat Territoire, req. n°13NC00967


Conseil d’État
410501
Lecture du lundi 10 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

  1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un marché à bons de commande signé le 1er mars 2010, le centre hospitalier de Vendôme a confié à la société du docteur Jacques Franc l’interprétation des clichés radiographiques réalisés au sein de l’hôpital sur prescription des praticiens de celui-ci ; que, par une décision du 17 mars 2011, le centre hospitalier a résilié ce marché aux frais et risques de la société requérante au motif que celle-ci aurait manqué à plusieurs de ses obligations contractuelles ; que, par un jugement avant dire droit du 14 février 2013, le tribunal administratif d’Orléans a jugé irrégulière cette résiliation ; que, par un second jugement du 26 février 2015, le même tribunal a condamné le centre hospitalier de Vendôme à verser à la société la somme de 94 422 euros au titre du manque à gagner subi du fait de la résiliation ; que, par un arrêt du 15 mars 2017 contre lequel la société se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Nantes a augmenté cette somme de 3 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions d’appel de cette société ;
  2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 77 du code des marchés publics, alors applicable : “ I. – Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l’émission de bons de commande. (…) / Dans ce marché le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou encore être conclus sans minimum ni maximum./ L’émission des bons de commande s’effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché. / (…) III. – Pour des besoins occasionnels de faible montant, le pouvoir adjudicateur peut s’adresser à un prestataire autre que le ou les titulaires du marché (…). Le recours à cette possibilité ne dispense pas le pouvoir adjudicateur de respecter son engagement de passer des commandes à hauteur du montant minimum du marché lorsque celui-ci est prévu “ ;
  3. Considérant que si le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d’établir la réalité de ce préjudice ; que dans le cas d’un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en ce qu’il porte sur ce minimum garanti ;
  4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le contrat en litige était un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoyaient que son montant serait compris entre une valeur annuelle minimale de 200 000 euros et une valeur maximale de 400 000 euros ; que, par suite, en se fondant sur le montant minimal de commandes ainsi garanti pour évaluer le manque à gagner dont a été privée la société cocontractante du fait de la résiliation irrégulière du marché en litige, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit ;
  5. Considérant, en deuxième lieu, que le calcul du bénéfice s’opérant par soustraction au total des produits de l’ensemble des charges, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le taux de marge devait être déterminé en prenant en compte non seulement les charges variables de la société mais également ses charges fixes ;
  6. Considérant, en dernier lieu, que la cour n’a pas davantage entaché son arrêt d’erreur de droit en se référant aux résultats nets des quatre exercices précédant la résiliation du marché en litige pour évaluer le taux de marge moyen de la société requérante ;
  7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société du docteur Jacques Franc doit être rejeté ;
  8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge du centre hospitalier de Vendôme, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société du docteur Jacques Franc la somme de 3 000 euros à verser au centre hospitalier au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de la société du docteur Jacques Franc est rejeté.
Article 2 : La société du docteur Jacques Franc versera une somme de 3 000 euros au centre hospitalier de Vendôme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société du docteur Jacques Franc et au centre hospitalier de Vendôme.


Résumé :  Si le titulaire d’un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d’établir la réalité ce préjudice. Dans le cas d’un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en ce qu’il porte sur ce minimum garanti.

 

 


© 2022 Cabinet Palmier - Tous droits réservés - Reproduction interdite sans autorisation.
Les informations juridiques, modèles de documents juridiques et mentions légales ne constituent pas des conseils juridiques
Table des matières
Tous droits réservés © Cabinet Palmier - Brault - Associés
Un site réalisé par Webocube